Nombre total de pages vues

21 octobre 2011

Pédophilie: les silences de l'Eglise

Les dérives religieuses sont un sujet tabou et assez sérieux qu'il faut les évoquer de façon objective et apaisée. Dans ce travail consciencieux de journaliste digne de ce nom, l'excellente présentatrice Patricia Loison a abordée le thème du "silence de l’Église face à la pédophilie" dans son émission "Pièces à conviction" sur France 3 le 19 octobre dernier à 23 heures. L'objectif était non pas de 'casser du curé' mais de mettre en lumière quelques défaillances hiérarchiques dans les ordres mais aussi dans les tribunaux pour faire avancer les choses au profit de nombreux enfants touchés par ce fléau en France. Un petit décryptage sur les faits sera édifiant.



Une affaire parmi d'autres 

Les journalistes d'investigation Linda Bendali et Romain Icard ont enquêtés au sein de la communauté catholique des Béatitudes dans la région toulousaine.
Celle-ci fut créée en 1973 et dirigé par Gérard Croissant, dit frère Ephraïm, parti en Afrique depuis le mois de février 2008. Cet ordre, qui mêle à la fois des familles, des laïcs et des religieux, est critiqué pour son mode de fonctionnement.
Les journalistes se sont penchés sur la vie de Pierre Etienne, membre de la communauté précitée, qui pendant plus de 20 ans, aurait commis des agressions sexuelles sur 57 enfants de 5 à 14 ans dans toute la France entre 1985 et 2000. Il dit avoir pourtant averti sa hiérarchie et demandé de l’aide pour soigner ses pulsions.
Pendant toutes ces années, il n’a jamais été dénoncé ou arrêté.
Pour résumer, connaissant la loi sur le délai de prescription, le clergé semble vouloir faire régner la loi du silence. Les dirigeants de la communauté en question se sont tus. Murielle Gauthier, la femme témoin des faits à été réduite au silence, l’évêque à refusé d’entendre les faits et ne les a pas dénoncés comme la loi l’y obligeait. Les gendarmes n’ont pas cru les victimes. Et alors que le moine avait tout avoué de son côté, la juge d’instruction a fini par obtenir le classement après avoir demandé au moine de s’excuser par lettre auprès des parents des petites victimes. Heureusement, d’autres victimes se sont fait connaître.
Alors que l'émission a été programmée tardivement 950 000 Français l'ont suivi jusqu’à 1 heure du matin.


Une véritable omerta 
 
Quelle a été la réaction de l'Eglise ? L’enquête met en lumière la manière dont un pan entier de l’Église aurait organisé le silence autour de cette affaire. Pour y parvenir elle n’aurait pas hésité à sanctionner en son sein ceux qui se sont opposés au secret. Quitte à laisser cet homme, avec les risques qu’il pouvait présenter, au contact des enfants.
L'AFP du 2 octobre 2008 citait le Parquet qui indiquait que "Six responsables ou membres de la communauté catholique des Béatitudes ont été remis en liberté après une garde à vue dans une instruction ouverte à Rodez pour « non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans par personne ayant autorité". "Trois d’entre eux ont reconnu avoir été informés des agissements du mis en examen », Pierre-Etienne Albert, un des frères de la communauté, « sans toutefois avoir connaissance de la gravité réelle des faits et du nombre de victimes », a précisé le procureur de la République de Rodez, Manuela Garnier, dans un communiqué. « Ils seront convoqués ultérieurement pour audition par le magistrat instructeur », ajoute le communiqué. Curieusement la juge d'instruction a demandé quelque chose d'inhabituel: que Pierre Etienne écrive aux victimes pour leur demander pardon dans cette affaire en lui faisant une copie ! Ce n'est pourtant pas ce qu'on attend d'un juge ! Pierre Etienne n'a même pas été mis en examen mais seulement entendu comme témoin assisté par elle dans un cadre très conciliant, alors qu'il a reconnu avoir pratiqué des attouchements sexuels sur des mineurs..
Et cela s'explique puisque Fernand Sanchez,
un moine de la communauté, a selon un procès verbal eu "un entretien avec le Procureur de la république d'Avranche pour que les victimes ne soient pas contactés".
Cette histoire qui confine au scandale et que l’Église aurait tenté d’étouffer révèle de graves dysfonctionnements au sein du clergé et de la justice. Certains crimes pédophiles sont commis avec l'assentiment du clergé et la complaisance de la justice.



L’Église se terre derrière un mur d'indifférence
 
Jamais celle-ci ne s’est excusée dans ce dossier, jamais elle n’a reconnu ses fautes, jamais elle n’a daigné tirer les conséquences des faits qu’elle a couverts et encouragés par son silence complice. Aucun des évêques mis gravement en cause dans le reportage n’a été appelé à témoigner, ni entendu en vue du procès qui s’annonce.
Ce reportage est troublant. La pédophilie n’est pas, loin de là, le seul fait de l’Eglise. L’école, les colonies de vacances, tous les lieux d’accueil de la jeunesse sont potentiellement dangereux à cet égard. Et dans certaines religions du Moyen-Orient, on peut certes marier de vieux messieurs à des fillettes de huit ans.
Mais ce qui s’est passé ici est inqualifiable parce que les personnes qui ont tenté de dénoncer ces crimes, remplissant leurs obligations de citoyens, ont été exclues de la communauté. Seule Murielle Gauthier, une simple membre des Béatitudes à l’époque des faits, a accepté de témoigner devant la justice et â la télévision. L’Eglise aurait dû la féliciter, mais non. Elle a tout enduré pour avoir osé rompre la loi du silence : comme dans la mafia. Pire elle fut même menacée de mort ! L’accusé, le moine Pierre-Étienne, attend son procès qui va avoir lieu dans quelques semaines. Les enfants victimes, eux, n’ont reçu aucun soutien de l’Eglise.


Ne serait-ce que la partie visible de l'iceberg ?

Une autre enquête pour « non-dénonciation de mauvais traitements » est aussi en cours et concerne une série de suicides parmi des élèves d'un collège d'Autrey (Vosges) dirigé par la communauté.


Aux Etats-unis, on estime que, depuis 2002, les diocèses américains ont versé plus de deux milliards de dollars à 12 000 victimes de pédophilie pour les agissements de 5000 prêtres. Cinq diocèses sont maintenant en faillite, dont Boston et San Diego.
Le cardinal brésilien Claudio Hummes, préfet de la congrégation du clergé, a reconnu que le pourcentage de pédophiles serait de 4% dans les rangs du clergé, soit beaucoup plus que dans l’ensemble de la population. Ce qui peut s’expliquer d’ailleurs de différentes façons. Soit le clergé attire des personnes de cette tendance soit le refoulement de la sexualité incite à se fixer sur des objets plus faciles.

Ce « crime abominable » selon les mots du cardinal, est donc très fréquent dans le clergé, même s’il ne faut faire peser un quelconque soupçon systématique sur tous ! Selon ce pourcentage sur 400 000 prêtres catholiques il y aurait 20.000 de par le monde qui seraient impliqués.

Dans un entretien accordé à la revue « Vida Nueva », Claudio Hummes a tenu à souligner que l’Église ne pouvait fermer les yeux sur ce problème. «  Il n’y a pas de place dans le ministère sacerdotal pour des personnes qui ont commis ces crimes. Les prêtres pédophiles doivent être sanctionnés par des lois civiles comme par des lois canoniques. L’Église ne peut accepter la pédophilie. »

En France il existe hélas plusieurs cas d'immixtion de la hiérarchie catholique sur d'anciennes affaires de justice concernant des "prêtres" mis en cause dans des attouchements sur des enfants. Peut-on rappeler ici que la non dénonciation de crime est un délit, même quand il est commis par un évêque ? Et  a fortiori quand il est commis par un évêque (en dehors de l’espace sacralisé qui est celui de la confession) !

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire