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19 septembre 2011

Les vies brisées des compagnes'cachées' de prêtres catholiques

Longtemps occultée, la situation des compagnes de prêtres et parfois de religieux sort de l’ombre, et des associations existent dans différents pays d’Europe comme Plein Jour en France. Vie chaotique, brisée bien souvent, pour ces femmes qui sont longtemps restées à l’écart, enfants abandonnés à la naissance ou qui grandissent sans père, encouragement à l’avortement, relations épisodiques où la sexualité joue le rôle essentiel...Dans quelles mesures les conséquences de la règle imposée du célibat affectent elles l’Église catholique ? Décryptage.




L'ampleur du problème

Le nombre de demandes de dispenses de vœux du célibat faites au Vatican représenterait près de 500 cas par an. S'il n'existe aucune statistique précise sur le nombre actuel de prêtres qui se sont mariés après avoir abandonné leur ministère, en France, quelques 10.000 prêtres auraient raccroché la soutane depuis Vatican II (1965), soit environ 250 par an. La majorité pour se marier selon une enquête de France-info. Si on estime à quelques 20 000 leur nombre dans notre pays, à ce train là il ne restera plus grand monde pour officier...La plupart à un moment ou un autre de leur sacerdoce, vivent ou vivront ce déchirement entre l’amour de Dieu et celui d’une femme ou d’un homme ! Depuis les années 1970, sur environ 400.000 prêtres dans le monde, on estime à quelques dizaines de milliers le nombre de ceux qui ont quitté le sacerdoce et se sont mariés, ce qui n'est pas négligeable.
L'Église
catholique n’est guère prolixe sur le sujet, préférant fermer les yeux aussi longtemps que cette "double vie" ne s’étale pas au grand jour, ou ne fait pas scandale. 


Histoire d'un dogme incompréhensible

Des hommes mariés ont continué à être ordonnés prêtres et évêques jusqu'au XIIe siècle. C'est le premier concile du Latran (1123-1139) qui a déclaré invalides les mariages contractés par les prêtres après leur ordination et décrété que les candidats mariés ne pouvaient plus recevoir les ordres sacrés.Cette règle, qui n'existe pas dans les autres Églises anglicane, protestantes, orthodoxe (sauf pour les évêques orthodoxes qui doivent toujours être recrutés parmi les moines qui ont fait vœu de chasteté), provoque beaucoup de souffrances et décourage sans doute beaucoup de vocations. Elle est régulièrement violée.



Deux poids deux mesures

En outre, cette obligation du célibat n'est limitée qu'à l’Église catholique d'Occident. Dans toutes les Églises d'Orient, y compris celles qui sont sous la juridiction du pape de Rome -comme les maronites du Liban ou les coptes catholiques d’Égypte-, des hommes mariés peuvent être ordonnés prêtres.
Mais ils ne peuvent plus se marier une fois ordonnés et, comme dans l'orthodoxie, leurs évêques sont toujours choisis parmi les moines célibataires.
Il est impossible à un prêtre d'annuler son ordination, un sacrement indissoluble. Cependant, la Congrégation pour le clergé à Rome peut donner dispense de leur état ecclésiastique à ceux qui le demandent et les relever de leurs vœux de célibat. Cela permet alors à ces prêtres de se marier, ou de se mettre en stand-by alors qu'ils traversent une période de doute ou de crise personnelle. L’église peut accepter ces demandes dans des circonstances particulières : pas de scandale, pas de caprice et surtout un dossier sérieusement motivé.
De plus c'est une loi imprudente et sévère: les prêtres mariés des premiers siècles de l’Église étaient-ils moins valides, moins consacrés au service de Dieu que les prêtres célibataires d'aujourd'hui? Et les prêtres mariés des Églises orientales sont-ils moins valides que les prêtres célibataires de l’Église latine? Ce qui fut possible et moral à une époque du catholicisme doit-il être considéré comme impossible et immoral aujourd'hui ?



Des affaires d'héritages embarrassantes font bouger le Vatican

Henri Tincq dans Slate.fr signale qu'en aout 2009 qu' une instruction était en cours de discussion à la congrégation vaticane du clergé pour régulariser la situation des prêtres concubins et de leurs enfants. "Il s'agit surtout de prévenir les actions en justice pour reconnaissance en paternité qui commencent à se multiplier notamment en Amérique latine ou dans des pays européens comme l'Autriche, la Suisse ou les Pays-Bas. (...) Concrètement, le prêtre serait invité à reconnaître devant les tribunaux civils sa paternité. Il demanderait que soient garantis les droits de son enfant et de la mère, y compris ceux liés à la succession et au bénéfice d'un héritage. L'enfant pourrait même être autorisé à porter le nom de famille de son père prêtre. Cette évolution est proche de celle constatée dans le droit civil de pays où des enfants illégitimes peuvent désormais prétendre à des parts d'héritage. Cette information a été jugé «sans fondement» par le porte-parole du Vatican. En réalité, la mesure est bien à l'étude. Elle constituerait un pas en avant dans la transparence. Mais, avant de trancher, l’Église veut être assurée de ne pas y perdre. Elle entend protéger ses avoirs dans les questions de succession".
Dans le livre-entretient "Lumière du monde" présenté peu après en novembre 2010 au Vatican, le pape Benoît XVI a affirmé qu'il "faut veiller à ce qu'il soit fait justice aux enfants de prêtres" et ne se déclare pas opposé au mariage des prêtres s'ils abandonnent le sacerdoce.
Que dire de la façon inhumaine dont sont rejetés les prêtres qui renoncent à leur ministère pour se marier ? Aucun accompagnement à celui qui, brusquement, est privé d'argent, de logement, de travail, et doit pourtant assurer sa subsistance et celle de sa compagne. Interdiction lui est faite d'assumer une quelconque responsabilité religieuse. Quel dommage pour les communautés privées d'éléments dynamiques et généreux.

 

En France une affaire récente parmi d'autres

Le 4 septembre dernier, Remi Bouriaud, "un prêtre de 70 ans a été démis de son ministère par Mgr Jean-Paul James, évêque de Nantes. Interdiction de célébrer la messe et de prononcer des sacrements. Son tort ? Avoir choisi de « vivre avec une compagne » depuis onze ans, remettant ainsi en question « l’engagement au célibat pris quand il a demandé et reçu l’ordination », indiquait jeudi le diocèse dans un communiqué" à France soir."Le père Rémi Bouriaud, ordonné prêtre en 1967, s’est toujours interrogé sur « la place de la femme dans le monde, dans l’Église et dans sa vie ». Il avait déjà vécu une première relation amoureuse de cinq ans avec une femme, quand, en 2000, à l’orée de la soixantaine, il a rencontré Michèle : « Nous avons fait le pari d’essayer de vivre ensemble tout en connaissant la position de l’Église chrétienne, catholique et romaine sur le célibat des prêtres », confie-t-il à Presse Océan. Sans s’exhiber, il n’a jamais vraiment caché cette relation. Dans les paroisses de La Baule et de Pornichet, où il officiait depuis 2006, les fidèles connaissaient sa double vie. Le curé partait souvent le soir rejoindre sa compagne, à plusieurs dizaines de kilomètres de là. Personne ne s’en offusquait vraiment. On comprenait, et on n’en parlait pas."


Des souffrances dans une "Église restée dix siècles en arrière"
Ce prêtre anticonformiste, qui a confié au Figaro avoir toujours eu « des besoins d’affections, de corps à corps, de solidarité avec le monde féminin », a fini par déranger. Pourquoi aujourd’hui, alors qu’il affirme en avoir informé sa hiérarchie il y a des années ? C’est une lettre anonyme, envoyée cet été à l’évêque de Nantes, qui aurait mis le feu aux poudres. « Je crois que c’est parce que j’ai été franc depuis tout le temps que la sanction me tombe dessus », dit-il. A la fois déçu et soulagé, Rémi en a malgré tout gros « sur la patate » : « Il y avait encore un peu partout des prêtres mariés jusqu’en 1450. L'’Église est restée dix siècles en arrière sur cette question-là. Elle est un peu en dehors du temps actuel, du monde, de la société.», dénonce-t-il.
En d'autres termes, comment aurait-il pu continuer de mener une double vie et absoudre en même temps les péchés des autres dans un cadre confessionnal ?
Le père Rémi Bouriaud, 70 ans, de La Baule-Escoublac et Pornichet, vit depuis onze ans avec sa compagne. Mais cela n'était visiblement pas du goût du tous : certains s'en sont plaints récemment auprès de l'évêché. Il aurait été dénoncé par des lettres qui auraient atterri sur le bureau de l'évêque, Mgr Jean-Paul James.
Rémi Bouriaud ne veut pas devenir un porte-drapeau. « Cela va être très dur pour lui, compatit Bernard. En tant que personne humaine, ayant des responsabilités spirituelles, il doit être démoli. » L’intéressé dit ne rien regretter : « Cette relation nous rend heureux. Nous savions qu’un jour où l’autre cette double-vie pouvait s’arrêter », confie-t-il à Presse Océan. A La Baule, les autres prêtres lui ont organisé un beau repas d’adieu. Pour sa dernière messe, samedi, il a été ovationné par les fidèles. Il y a quelques jours, il a récupéré ses quelques affaires au presbytère. Il peut enfin vivre son amour avec Michèle en pleine lumière. Aujourd'hui, l'homme a déménagé à Tharon-Plage. Il n'envisage pas de se marier, du moins pour l'instant. Son cas n'est pas unique.
 

Les motifs de ce statu quo
 
Certains espèrent que l'histoire de Remi Bouriaud relancera le débat sur le célibat des prêtres. Selon la Fédération européenne de prêtres catholiques mariés, environ un prêtre sur quatre aurait (ou aurait eu) une relation clandestine. « Il est temps que l’glise réfléchisse. Au moins, ce curé sait ce qu’est la vie de couple, comme les pasteurs ou les rabbins. La loi du silence, ça suffit », tacle une fidèle en colère. Pour Bernard, prêtre qui a renoncé à la soutane il y a quarante ans, « c’est une hypocrisie totale. Quand vous en parlez aux évêques, ils comprennent. Mais s’ils veulent garder leur place, il doivent se taire, exclure, ne pas remettre l’'Église en question ».
Dominique Venturini, ancienne compagne de prêtre qui dirige l’association Plein jour, a d’ailleurs adressé une lettre à Benoît XVI pour réclamer la fin du célibat des prêtres : « Que l’Eglise accorde la même liberté, les mêmes droits humains à chacun ! », s’insurge-t-elle.
Contrairement à ce qu'affirme le Vatican, le célibat des prêtres n'a rien d'évangélique ou de biblique. Il est un simple fait de droit féodal en l'occurrence maintenue aujourd'hui pour des raisons essentiellement économiques. Mais la revue Golias aborde un autre motif:
"Il est vrai que la solide réputation de misogynie de l’institution de l’
Église catholique n’est plus à démontrer, et que l’affaire de la jupe qui a mis en cause l’archevêque de Paris est juste le lapsus révélateur d’une longue tradition. Confié très jeune au monastère bénédictin du Mont-Cassin, Thomas d’Aquin écrivait : “La femme est à l’homme ce que l’imparfait et les défauts sont au parfait. La femme est physiquement inférieure, de même que mentalement (...) Elle est simplement une erreur de la nature, une sorte d’homme mutilé.” On n’est jamais allé jusque-là dans la Grèce antique. Plus tard, Pie II, pape de 1458 à 1464, prononça ces paroles : “Quand tu vois une femme, pense que c’est le diable : c’est une sorte d’enfer.” Règle non dogmatique édictée au nom d’une discipline intérieure et certainement aussi pour des questions financières et d’héritage, le célibat s’est imposé peu à peu avec ses non-dits, porté par un conditionnement poussant à la soumission." 
La femme concubine coupable de 'malice' était vue comme un obstacle au sacerdoce du prêtre.
Benoît XVI écrivait en 2007: «Le fait que le Christ lui-même ait vécu sa mission dans l'état de virginité constitue le point de référence sûr pour recueillir le sens de la tradition de l'Église latine sur cette question. Il n'est donc pas suffisant de comprendre le célibat sacerdotal en termes purement fonctionnels. En réalité, il est une conformation particulière au style de vie du Christ lui-même.» Quelle tradition latine ? Au contraire Jésus avait indiqué dans les Évangiles venir pour mourir en sacrifice...Le sachant, il aurait été cruel de sa part de vouloir fonder une famille ! De plus on sait que Pierre, un des douze apôtres avait une belle mère; donc étant marié ne servait-il à rien ? Ces arguments ne tiennent pas au plan théologique quand on sait que le pape prétend être "un des successeur de saint Pierre"!


Reste qu'en France de nombreuses femmes, "maîtresses" d’abbés ou épouses d’ex-curés, se soutiennent au sein de Plein Jour, une association qui lutte pour l’abolition du célibat des prêtres, et contre ce "silence organisé" au plus hauts sommets de l’Église catholique.

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