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27 septembre 2011

Devenue chrétienne, Lina Joy est menacée par des musulmans en Malaisie

Inconnue auparavant, Lina Joy fut l'une des femmes les plus célèbres de Malaisie. Son nom s'étalait à la "une" de tous les journaux de Kuala Lumpur, jeudi 31 mai 2007, mais son visage restait un mystère. La raison de sa popularité ? Elle a commis le crime d'avoir osé demander à la justice de lui reconnaître le droit de changer de religion. Rien que cela! Pourtant même si beaucoup d'autres personnes sont victimes de ces lois tyranniques, son cas porté en justice a été regardé de près sans toutefois recevoir satisfaction.


 
Manifestants contre Lina Joy


Musulmane convertie au catholicisme, Lina Joy se cache, en Australie si l'on en croit les familiers du dossier. Par l'intermédiaire de son avocat, Benjamin Dawson, elle a répondu, jeudi, à ceux qui se demandent si elle va s'exiler pour de bon : "Il me serait extrêmement difficile d'exercer ma liberté de conscience (en Malaisie) dans le climat actuel." La Cour fédérale de Malaisie, a-t-elle ajouté, "m'a refusé un droit individuel fondamental : celui de croire en la religion de son choix, d'épouser la personne de son choix et d'élever une famille dans le contexte malaisien".

Dans sa demande en justice, elle testait les limites de la liberté individuelle dans un pays dont la religion officielle est l'islam, mais qui se veut une nation multiculturelle et multiconfessionnelle, puisque les musulmans n'y sont majoritaires que de peu (55 % à 60 %). Dans son verdict rendu mercredi 30 mai, la Cour fédérale, plus haute juridiction de Malaisie, a clairement réservé aux tribunaux islamiques, juridiction parallèle, le droit exclusif de décider si un musulman pouvait quitter l'islam pour une autre religion. 

Retour sur les faits
Lina Joy est née Azlina Jailani, d'ethnie malaise, dans une famille musulmane, il y a quarante-deux ans. En 1990, elle a commencé à fréquenter une église puis, plus tard, a rencontré un catholique malaisien, d'origine indienne, et a voulu se marier. Elle a donc décidé d'adopter la foi chrétienne et a entamé une procédure pour changer de nom. L'état civil ne lui a fait aucune difficulté pour enregistrer sa nouvelle identité, Lina Joy, en 1999 ; mais lorsqu'elle a voulu faire retirer la mention "musulmane" de sa carte d'identité, l’État a exigé un certificat de renonciation délivré par un tribunal islamique. Pas question, s'est insurgée la jeune femme : je suis chrétienne donc je n'ai plus rien à voir avec les tribunaux islamiques, d'autant plus que l'islam n'admet pas l'apostasie. Elle s'est alors tournée vers la justice civile qui, en première instance, puis en appel, et enfin le 30 mai en cassation, l'a déboutée.
Pendant toutes ces années, Lina Joy n'a pas pu se marier, a dû quitter son travail de vendeuse et vivre dans la quasi-clandestinité pour ne pas affronter l'hostilité de certains groupes musulmans et a vraisemblablement laissé passer, vu son âge, la chance d'avoir des enfants. No Joy for Lina, résumait, après le verdict, le site d'information indépendant Malaysiakini.

C'est peu de dire que l'affaire a été suivie de près par tout ce que la région compte d'associations féminines, religieuses et des droits de l'homme - sans parler des organisations musulmanes. La déception des premières est à la mesure de la satisfaction des secondes, reflétant la division de la Cour : deux voix contre une, deux juges musulmans contre un non musulman. Car de cet arrêt, qui devrait faire jurisprudence, dépendent plusieurs autres procédures suscitées par une application de plus en plus rigoureuse de la loi islamique s'agissant des relations entre les religions.


D'autres affaires dépendent de son cas

L'affaire Subashini, par exemple : cette femme, hindoue, se bat devant les tribunaux civils pour empêcher son ex-mari, converti à l'islam, de convertir leur bébé d'un an, après avoir déjà converti leur fils aîné à son insu. L'affaire Sababathy, également devant la justice : lui est hindou, elle est musulmane. Ils se sont mariés il y a un an, selon le rite hindou. Le 28 avril, à une heure du matin, les hommes du département local des affaires islamiques sont arrivés chez eux et ont emmené la jeune femme en "réhabilitation", où elle se trouve toujours.En occident on parle de déprogramming !

Al-Jazira en anglais a récemment diffusé un reportage sur un autre couple séparé de force, Suresh Veerappan, hindou, et Revathi Massosai, née musulmane, eux aussi mariés sous le rite hindou ; on y voit M. Veerappan tenter de rendre visite à sa femme dans le centre de détention islamique où elle est "réhabilitée" et la jeune femme fondre en larmes derrière les barreaux du portail fermé. Les autorités islamiques ont confié la garde de leur fille de 15 mois à sa grand-mère musulmane. Dans certains Etats de Malaisie, la "police" islamique pousse le zèle jusqu'à faire la chasse aux couples illégitimes coupables de khalwat (proximité excessive), qu'elle n'hésite pas à filmer au moment où ils sont surpris.

Le retentissement de toutes ces affaires inquiète au plus haut point les représentants des autres confessions et ethnies, même s'ils préfèrent s'exprimer prudemment. Secrétaire général du conseil des Eglises de Malaisie, le révérend Hermen Shastri dénonce à la fois l'islamisation croissante et l'activisme des évangéliques, qui cherchent à convertir des musulmans. Telle avocate chinoise rencontrée sur le parvis du palais de justice confie ouvertement son amertume sur le verdict Lina Joy, mais refuse de donner son nom. Voilà qui tranche avec l'image de modernisme et d'ouverture que le premier ministre malaisien, Abdullah Badawi, veut donner de son pays, dont il promet qu'il aura rejoint les pays développés en 2020.

Enfin, cette montée du conservatisme divise la communauté musulmane. Brillant avocat de 37 ans formé à Kuala Lumpur, à Hongkong et à Oxford, musulman d'ethnie indienne, Malik Imtiaz Sarwar était présent à l'audience, mercredi, où il représentait les intérêts du barreau de Malaisie. "J'étais vraiment en colère hier, raconte-t-il au lendemain du verdict. J'ai dit à mes collègues qu'en tant que musulman, je n'étais pas fier. Ils m'ont répondu qu'elle n'avait qu'à vivre à l'étranger." Pour ses prises de position dans diverses affaires d'apostasie, l'avocat a reçu des menaces de mort.

A l'Institut pour la compréhension de l'islam, imposant centre d'études financé par le gouvernement, le directeur, le Dr Syed Tawfik Al-Attas, fulmine contre la chasse aux khalwat qui est une "perte de temps", "les mauvais oulémas (docteurs de la loi coranique) qui ont remplacé les bons" et l'incapacité des musulmans "à se définir correctement". Et ça, ajoute-t-il, "on ne peut pas en rendre l'Occident responsable" !
Après le cas de Lina Joy, on estime qu'environ 250 000 autres demandes pour quitter officiellement l'islam sont en attente dans le pays; c'est dire tout l'enjeu de cette affaire.Onze ONG avaient envoyés des représentants à la Cour fédérale pour tenter de défendre la demande de Lina Joy en vain...
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