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14 septembre 2011

Irlande: l'Eglise catholique secouée par des affaires de pédophilie

Enda Kenny, le chef du gouvernement irlandais, s'est insurgé contre l'hypocrisie du clergé local et du Vatican, accusés d'étouffer les affaires de pédophilie. Ces révélations marquent un tournant, puisque dans ce pays si religieux, le catholicisme est aujourd'hui en pleine crise et les fidèles désertent.

Selon l'Express "depuis 15 ans, il ne se passe pas un mois sans qu'un nouveau scandale de pédophile n'éclabousse le clergé. En 2009, le rapport Ryan avait établi comment, des décennies durant, des élèves internes dans des écoles d'apprentissage catholiques avaient été maltraités ou violés. La même année, le rapport Murphy a expliqué comment le diocèse de Dublin avait étouffé les affaires. Pourtant, le 20 juillet dernier, la dénonciation du rôle de la hiérarchie catholique a atteint un seuil inédit. Ce jour-là, sans prévenir, au Dail, la chambre des députés, le Taoiseach - le chef du gouvernement - Enda Kenny [photo ci-contre] incrimine le "dysfonctionnement, la déconnexion, l'élitisme, le narcissisme qui prédominent dans la culture du Vatican".

Jamais le Vatican n'avait été l'objet d'une telle accusation publique de la part d'un chef de gouvernement. Jamais le pape n'avait été aussi directement pris à partie. Un réquisitoire d'autant plus cinglant qu'il est dressé par un pratiquant."! 
"L'indignation du Taoiseach a été provoquée par la publication d'un nouveau rapport d'enquête, dans le diocèse de Cloyne, qui démontre que, jusqu'en 2008 au moins, le Vatican et le clergé local ont étouffé les affaires de pédophilie, bafoué les procédures auxquelles ils avaient pourtant souscrit, menti à la police" précise l'Express.

L'institution 'mère' au ban de la société

John Kelly, le porte-parole de Survivors of Child Abuse (Soca)- une association de victimes de violences pédophiles- s'est indigné contre cette "Eglise infiltrée par le diable et qui n'a rien fait pour protéger les enfants dont elle avait la charge."
Le Ministre chargée de l'Enfance et de la Jeunesse, Frances Fitzgerald avoue le choc qui fut le sien lorsqu'elle a découvert, à la lecture du rapport Cloyne, qu'"il y a trois ans à peine l'Eglise constituait un danger pour les enfants de ce pays parce qu'elle refusait de suivre les consignes d'alerte en cas de soupçon de violence". Et aujourd'hui ? "L'Eglise assure qu'elle coopère désormais, mais c'est ce qu'elle disait déjà dans le passé..."

"Le discours du Taoiseach est un tournant, confirme Maeve Lewis, la directrice d'une association d'aide aux victimes d'abus sexuels, One in Four. Le Taoiseach dit pour la première fois que le droit pénal est au-dessus du droit canon. Comme me l'a dit une victime, c'est comme si je vivais dans une nouvelle Irlande."

Il faut savoir que depuis longtemps, la déférence envers le clergé fut la règle dans la classe politique..."Le préambule de la Constitution stipule toujours que l'autorité suprême de l'Etat repose sur la sainte Trinité. Les juges et le président de la République prononcent un serment religieux lors de leur investiture. L'angélus sonne deux fois par jour sur les ondes des médias publics. Chaque séance du Parlement s'ouvre par une prière. En 2009, une loi - certes, non appliquée - punissant le blasphème a même été votée. Et jusqu'à présent les pouvoirs publics préféraient régler discrètement, par la voie de l'indemnisation plutôt que par celle du procès, les scandales pédophiles impliquant des prêtres".

L'avenir du catholicisme irlandais

L'Express analyse bien la situation: "ce climat délétère traumatise des fidèles, consternés de voir leurs prêtres manquer à leur devoir d'exemplarité. Si les croyants vont encore à la messe dans les campagnes, la désaffection a gagné les villes. Peter, un père de famille trentenaire, a déserté une Eglise qui le "dégoûte" et dont il ne supporte plus la "pauvreté spirituelle". Désormais, il retrouve des amis, le dimanche, dans des groupes de prière et d'entraide - hors de l'Eglise. Cette dernière a-t-elle encore un avenir ? L'âge moyen des prêtres est de 64 ans. Le nombre de vocations est en chute libre. Lors de la visite de Jean-Paul II, en 1979, le séminaire comptait un millier d'élèves ; aujourd'hui, ils sont 56. La crise du catholicisme irlandais pourrait accélérer la sécularisation de l'Etat. C'est en tout cas l'espoir de Michael Nugent, un activiste anticlérical : "Dans les années 1980, nous tentions de convaincre nos concitoyens de desserrer l'étau de l'Eglise ; aujourd'hui, il nous reste à persuader nos élus que le pays est mûr pour un plus grand pluralisme. L'actuel gouvernement pourrait bien sauter le pas. Le cabinet veut présenter, à l'automne, une loi obligeant les prêtres à dénoncer tout crime pédophile dont ils auraient connaissance - y compris en violant le secret de la confession. Par ailleurs, l'Etat négocie un retrait volontaire partiel de l'Eglise de l'enseignement primaire, qu'elle contrôle, aujourd'hui, à 92 %."

"Le ministère des Affaires étrangères envisage de fermer la villa Spada, son ambassade près [du Vatican]. Officiellement, pour raisons budgétaires."

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