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20 septembre 2011

Les massacres bouddhistes

C'est Josh Baran, qui pratique lui même le zen (une école du bouddhisme introduite au Japon au XIIème siècle) qui s'appuie sur les recherches de Brian Victoria ayant écrit "Le zen en guerre" pour briser un tabou. Il explique (extraits):











"On a toujours dépeint le bouddhisme comme la religion de la paix. "Il n'y a jamais eu de guerre bouddhiste" ai-je souvent entendu pendant des années.(...). Pendant la guerre du Vietnam, les moines bouddhistes s'immolèrent par le feu pour protester contre les combats. Et maintenant, voici qu'un nouvel essai va radicalement ébranler cette vision du bouddhisme. "Le zen en guerre" (Zen at War) est un livre courageux et très bien documenté de Brian Victoria, un moine occidental zen sôtô qui travaille à l'Université d'Auckland. Victoria révèle l'histoire de la collusion des institutions du zen japonais et de la machine de guerre impériale, de la fin du dix-neuvième siècle jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale. Il raconte en détail comment d'éminents maîtres zen ont perverti les enseignements bouddhistes pour encourager l'obéissance aveugle, le meurtre irresponsable et la dévotion totale à l'empereur. Les conséquences en furent catastrophiques et on peut encore aujourd'hui en ressentir l'impact.
La plupart des bouddhistes occidentaux trouveront cet exposé dérangeant pour le cœur et pour l'esprit. Des maîtres zen éveillés qui s'engagent en faveur de la guerre, voilà qui contredit tout ce que nous connaissons des enseignements du Bouddha. Après la guerre, la tradition zen japonaise, tout comme le pays lui-même, se réfugia dans une amnésie collective sur sa complicité dans la guerre. De sorte que plus de cinquante ans d'histoire du bouddhisme ont été occultés de la scène publique ainsi qu'aux Japonais eux-mêmes. Voilà qu'ils commencent juste à affronter le passé.
Le bouddhisme est devenu une religion d'état au Japon à l'époque Tokugawa (1600-1868). Près d'un demi-million de temples furent construits. Le sacerdoce bouddhiste devint un instrument dans les mains du gouvernement féodal. Chaque foyer devait être affilié à un temple local. Une telle opulence et un tel pouvoir ne furent pas sans conséquence. Au début de l'ère Meiji (qui commença en 1868), on assiste à une montée d'un vaste ressentiment populaire anti-bouddhiste. Une campagne nationale pour éradiquer du Japon cette "religion étrangère" et pour y réinstaller le shintoïsme comme seule véritable tradition japonaise fut entreprise. Des milliers de temples furent fermés, des statues furent mises à bas et les moines contraints de retourner à la vie laïque. La seule manière qu'avait le bouddhisme institutionnel de survivre fut de s'intégrer au nouveau système impérial.

Au début du siècle, le bushidô imprégnait le Japon, dans une sorte de "samouraïsation de la nation". Il se répandit alors des villages féodaux et des temples locaux aux champs de bataille de Mandchourie et plus tard de Guam et de Pearl Harbour. Pendant la guerre contre la Russie, en 1904, Sôen fut aumônier. "Je souhaitais inspirer", écrivit-il plus tard, "à nos vaillants soldats les nobles pensées du Bouddha, afin qu'ils soient capables de mourir sur le champ de bataille avec la certitude que la tâche dans laquelle ils étaient engagés était grande et noble. Je voulais les convaincre [...] que cette guerre n'était pas un simple massacre de leurs frères humains, mais qu'ils combattaient contre un mal."

Mumon fut Seki Seisetsu (1877-1945), un maître zen hautement respecté qui fut un champion de la guerre. Seisetsu a écrit un livre pour la promotion du zen et du bushidô. Juste avant la chute de Nankin, Seisetsu est passé à la radio nationale pour dire que : "Montrer la plus grande loyauté à l'empereur est semblable à l'engagement dans la pratique du bouddhisme mahâyâna. Car le bouddhisme mahâyâna est identique avec la loi du souverain." Il appela ensuite à l'"extermination des démons rouges" (les communistes) au Japon et en Chine.

Victoria identifie Sawaki Kôdô (1880-1965), l'un des grands patriarches zen de ce siècle, comme un propagandiste évangélique de la guerre. Servant comme soldat en Russie, il rapportait joyeusement comment lui et ses camarades s'étaient "régalés à tuer des gens". Plus tard, en 1942, il écrivit : "Il est juste de punir ceux qui dérangent l'ordre public. Que l'on tue, ou que l'on ne tue pas, le précepte qui interdit de tuer [est préservé]. C'est le précepte qui interdit de tuer qui tient l'épée. C'est ce précepte qui lance la bombe."
Les premières œuvres du célèbre D. T. Suzuki reflétaient l'influence des enseignements de Sôen (Pour être juste, en 1940, Suzuki avait considérablement changé de ton). En 1896, au début de la guerre contre la Chine, il écrivit : "La religion devrait tout d'abord chercher à préserver l'existence de l'État." Tout comme son maître, il voyait les ennemis du Japon comme des "païens insoumis" qui devaient être domptés et conquis sans quoi "le progrès de l'humanité serait arrêté. Au nom de la religion, notre pays ne peut pas y souscrire." Il disait que partir à la guerre était une "pratique religieuse".
Suzuki utilisait le langage poétique pour louer les soldats japonais. "Nos soldats considèrent leur propre vie comme aussi légère que des plumes d'oie, alors que leur dévotion au devoir est aussi lourde que le mont Taishan [en Chine]. S'ils devaient mourir au combat, ils n'auraient aucun regret." Cette métaphore des "plumes d'oie" deviendra l'un des points essentiels de l'endoctrinement militaire qui enseignait aux recrues et aux jeunes pilotes kamikaze ("vent divin") que leur vie individuelle n'avait aucune valeur et pas plus de poids. Seule une dévotion totale à l'empereur pouvait donner un sens à leur vie. Suzuki a aussi popularisé le concept tiré du bushidô de "l'épée qui donne la vie", qui a été inlassablement utilisé pour justifier le fait de tuer. Des années après, l'ambassadeur du Japon utilisera cette phrase, "l'épée qui donne la vie", dans un discours prononcé à la Chancellerie à Berlin, après la signature de l'Axe Tripartite, le 27 septembre 1940.
[Les] sectes bouddhiques ont publiquement supporté la guerre et avec enthousiasme. Si elles ne le faisaient pas, les conséquences auraient été lourdes, particulièrement dans un pays qui met la loyauté envers le groupe au dessus de tout. Des moines zen furent envoyés au front en tant qu'aumôniers et missionnaires.
La grande guerre du Japon débuta en 1931 avec l'invasion de la Mandchourie. A partir des années trente-cinq, les universitaires et abbés zen s'engagèrent dans une campagne intellectuelle afin de justifier leur participation dans la guerre. Ils enseignaient que la "guerre de compassion" était une pratique de bodhisattva qui était d'un grand bénéfice pour les ennemis du Japon. Ainsi que l'écrivit un philosophe sôtô : "Il n'y a pas d'autre choix que de mener des guerres de compassion qui donnent vie autant à soi-même qu'à son ennemi. Par la guerre de compassion, les nations en guerre peuvent s'améliorer et la guerre peut s'anéantir elle-même." Pendant ce temps, des millions de Chinois mouraient et leurs villes étaient anéanties.
L'Holocauste oublié de la seconde guerre mondiale raconte enfin cette tragédie que de nombreux Japonais nient encore avoir jamais eu lieu. Les envahisseurs japonais prirent le contrôle total de la ville le 13 décembre. En moins de sept semaines, il commirent "une orgie de cruauté rarement voire jamais égalée dans l'histoire du monde". Ils assassinèrent, violèrent et torturèrent près de 350.000 civils chinois. Dans ce bain de sang, plus de gens moururent qu'à Hiroshima et Nagasaki réunis. Pendant des mois, la ville fut remplie d'amas de cadavres en décomposition.
Presque 80.000 femmes furent violées et mutilées, beaucoup furent violées par des groupes entiers. Les soldats étripaient les femmes. Des pères furent forcés de violer leurs filles, des fils, leurs mères. Toutes sortes de tortures inhumaines furent pratiquées sans remords. Les enfants et les vieillards ne furent pas épargnés. Des milliers de jeunes hommes furent décapités, brûlés vifs ou utilisés pour l'exercice de la baïonnette.
Cela faisait des décennies que les dirigeants japonais diabolisaient les Chinois comme des "païens insoumis" selon l'expression de Sôen et de Suzuki. Un commandant déclarait ainsi à son unité : "Vous ne devez pas considérer les Chinois comme des êtres humains, ils ne sont rien, moins que des chiens ou des chats." Les Chinois étaient traités de "cochons", de "matériau brut" ou de ramassis.
La barbarie était si extrême que les nazis présents en furent horrifiés ; l'un d'eux déclara que ce massacre était le résultat d'une "machinerie bestiale"
Dans les années 70, ceux qui étudiaient le zen avaient leur bible, Les trois piliers du zen de Philip Kapleau. Les personnages de ce livre étaient le maître de Kapleau, Hakuun Yasutani rôshi (1885-1973) et son maître, Daiun Sogaku Harada rôshi (1870-1961). Kapleau disait de Harada : "Il a marié ce qu'il y avait de mieux dans le sôtô et dans le rinzai et sa combinaison est un bouddhisme vibrant qui est devenu l'une des grandes lignes d'enseignement au Japon, aujourd'hui." Ce que Kapleau a oublié de mentionner, ce qu'il ignorait probablement, c'était que Harada était l'un des va-t'en-guerre les plus enragés de la scène zen. Selon Victoria, dès 1915, Harada enseignait le "zen de la guerre". Faisant de la guerre sa métaphore habituelle, il voyait l'univers entier comme étant en guerre. "Sans descendre dans les arènes de la guerre, il est impossible de connaître le dharma du Bouddha. On ne peut oublier la guerre ne fut-ce qu'un instant." Ecrivait-il. Cependant, dès le début des années 30, la guerre de Harada n'était plus guère métaphorique.
En 1992, l'école sôtô a publié une "Déclaration de repentance" officielle. Et juste au moment où j'arrivais au Japon, elle publiait ses excuses pour ses activités durant la guerre dans son trimestriel anglophone. L'article disait : 'L'école zen sôtô en tant qu'organisation religieuse a soutenu les actes d'agression du Japon en Chine. Sous le prétexte de soi-disant activités missionnaires outre-mer, elle a soutenu le militarisme japonais et a même participé activement à ce militarisme. Du point de vue des religieux, c'est extrêmement regrettable. A moins que cet héritage négatif de l'école ne devienne un véritable examen d'auto-critique, il sera impossible d'ouvrir nos cœurs vers les autres peuples dans un esprit d'échange véritable.' "
Le bouddhisme aujourd'hui serait suivi par plus de 300 millions d'adeptes, et son fondateur a vécu en Inde au VI ème siècle avant notre ère. Il s'est propagé peu à peu au Sri Lanka, en Birmanie, en Thaïlande, en Indochine, en Chine, au Japon, en Corée, au Tibet pour gagner pratiquement toute l'Asie centrale. Sous le régime communiste de Mao (1949-1976) il y aura de plus en plus de violentes vagues de répression anti-bouddhiques, si bien qu'il n'y aurait que 1300 temples en Chine...Les plus violentes luttes se sont perpétrés dès 1931 entre nationalistes japonais et chinois. Du côté des japonnais les enseignements du Bouddha ont encouragé le dévouement total des guerriers à leur cause pour commettre de lourds massacres. Dans les années qui suivront les autorités des deux pays vont mettre sous tutelle les écoles bouddhistes à des fins politiques. Aujourd'hui le bouddhisme profite de l'ignorance de l'occident pour ces faits et de la médiatisation de son aspect yoga "peace and love " pour se développer plus rapidement chez les personnes recherchant une religion à la carte.

Ses massacres au nom de philosophies zen du bouddhisme abominables et absolument scandaleux viennent tordre le coup  à l'idée reçue selon laquelle cette religion est exempte de guerres !

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